« C’était mieux avant », la phrase n’est pas pour déplaire à Eric Zemmour qui était en compagnie de tous les anciens chroniqueurs de Laurent Ruquier sur le plateau d’On n’est pas couché samedi 15 Avril.

Zemmour donc, mais aussi Naulleau, Pulvar, Polony, Caron et Salamé ont débattu avec les deux actuels titulaires du poste : Vanessa Burggraf et Yann Moix. Tous auront eu évidemment une pensée émue pour Michel Polac, décédé et qui n’a fait que la première des 11 saisons d’On n’est pas couché.

Ce petit débat improvisé permet de faire un petit tour des personnalités des différents couples de chroniqueur, et de poser la question : Alors, qui c’est le meilleur?

Le principe du débat

Samedi dernier, égalité du temps de parole oblige, il était impossible d’inviter un homme politique une fois de plus que les autres, et la production a réuni tous les anciens chroniqueurs pour débattre de la réussite de la campagne de chacun. Laurent Ruquier dressait préalablement un petit portrait de chaque candidat, et s’ensuivait un petit magnéto de présentation.

Il était parfois évident de deviner pour qui votait chacun, Aymeric Caron s’est livré avec un certain succès au jeu des pronostics, de telle sorte qu’on puisse écrire que :

Burggraf : Est de centre droit votera Macron ou peut-être Fillon malgré les affaires

Caron : S’abstiendra, faute de candidat suffisamment écologiste/concerné par la cause animale

Moix : Votera Pompidou comme à chaque élection au premier tour, c’est à dire vote blanc

Naulleau : Votera Macron, sans trop de conviction

Polony : Votera Dupont-Aignan ou Mélenchon, un candidat souverainiste moins obtus que Asselineau

Pulvar : Votera Hamon

Salamé : Se défend de vouloir voter Macron. On peine à savoir à qui ira son vote.

Eric Zemmour : A beaucoup défendu Fillon sur la théorie du complot médiatico-juridique mais rejette son programme économique. Il votera vraisemblablement Le Pen.

Le débat a été source de nombreux point d’accord mais aussi de quelques désaccords profonds, faisons ici le bilan de chaque chroniqueurs.

Vanessa Burggraf, l’erreur de casting

Incapable d’exister dans le débat, Vanessa Burgraff a eu tous les chroniqueurs contre elle, peu importe ses positions et ses avis.

Elle peine à avoir des convictions, et une ligne directrice claire. Elle pense que « qu’il faut mieux avoir 3 boulots mal payés que ne pas en avoir », et joue la tatchérienne au cœur sec et ne peut s’empêcher de trouver Benoît Hamon « touchant ». Zemmour ne manquera pas d’ironiser la dessus : « Allez lui faire des câlins ».

On se rappelle qu’elle était hilare devant Philippe Poutou  en évoquant la question des licenciements, sujet qui prête pourtant moyennement à rire.

Elle sera néanmoins soutenue par Laurent Ruquier qui a déjà annoncé qu’elle sera sur le plateau la saison prochaine. Il n’y a bien que lui pour la soutenir, après cette saison.

Aymeric Caron, le corporatiste

Aymeric Caron a souvent paru extrêmement limité pendant les années où il était en poste à On n’est pas couché, il a pourtant brillé dans ce débat, tant ses raisonnements étaient souvent de bon sens face aux allégations caricaturales de Zemmour telles que « Les magistrats sont tous de gauche » et « les médias soutiennent la cabale anti-Fillon ».

« Je ne savais pas quels étaient les gogos qui croyaient que F. Fillon était anti-système, je viens d’en trouver un ». Il a néanmoins une propension à tout ramener à la souffrance animale et au végétarisme sur la quasi-totalité des sujets, ce qui s’avère pesant et souvent pas très pertinent.
Il est aussi capable d’appeler à ne pas voter pour un candidat en fonction du rapport que celui entretient avec les journalistes, ce qui est un mélange d’auto-centrisme et d’incompétence rare.

Il est efficace contre les gens aux pensées très mécaniques et extrêmes mais peine à suivre sur les sujets profonds. La réthorique ne peut indéfiniment masquer l’inculture.

Yann Moix, brillant sophiste

Il l’a confessé ce Samedi, « je suis de gauche face aux gens de droite et inversement ». Yann Moix aime le débat, mais surtout les applaudissements du public.

Ainsi, il est un contradicteur remarquable pour les hommes politiques, alors qu’il se montre plus mesuré dans la critique des invités culturels (surement le souvenir des critiques qu’avaient reçu Cineman).

Hyper-mnésique et datophile, Moix dispose d’une mémoire impressionnante qui lui permet régulièrement de se sortir de situation délicate en faisant du date-dropping (notez le néologisme) et en cherchant des références dans l’histoire de France.

Il interroge ainsi quiconque dit « J’aime la France et son Histoire » sur les conquêtes des rois capétiens ou les noms des maîtresses des généraux d’empire. « Vous ne savez pas ça ? Alors vous n’aimez pas la France et son histoire. » Un sophisme assez facile.

Il faut lui reconnaître que les applaudissements du public sont souvent mérités et que sa capacité à soulever les paradoxes et les contre-sens, et à les mettre en forme est bluffante.

« Macron a tous les atours des hommes de droite qui l’ont précédés : il est Pompidolien par la banque, Giscardien par les diplômes et la jeunesse, Chiraquien par le vide intersidéral du discours, et par le culot, Sarkozyste. » Macron est de droite, CQFD.

Eric Naulleau, l’art de la formule

Pendant 4 ans Zemmour et Naulleau ont collaboré à On n’est pas couché, le premier traitant plutôt de politique et le second privilégiant les invités culturels, spécialement les écrivains.

Un Eric pouvant en cacher un autre, il ne se prive pas pour autant d’empiéter sur les thèmes de prédilections de son homonyme. Cela donne lieu à des séquences cultes de la télévision, comme ici avec Lady Gaga (à partir de la 14ème minute) où Naulleau déclare : « Dans vos chansons je n’ai repéré que quatre thèmes, je veux être riche, je veux être célèbre, je veux danser, je veux baiser. Et si possible les 4 en même temps, ce qui est une question d’organisation et de souplesse. »

Dans le débat de samedi, Naulleau a entamé de façon légèrement agressive et ironique comme à son habitude : « Je suis entouré de gens qui ici appartiennent à l’école philosophique du – je parle donc je suis – donc j’attendrais calmement qu’on me donne la parole ».

Il s’autorise de rares sorties qui visent souvent à faire rire, ou à être efficace, il recherche la formule et la contradiction sémantique avant de songer à développer ses idées.

Ses avis sont tranchés mais justes : souvent violent, jamais gratuitement ; souvent dithyrambique, jamais gratuitement non plus.

Polony, l’atypique

Polony fait partie de ces gens qui sont parfaitement capables de se situer sur l’échiquier politique : chevènementiste. Elle accorde une importance prépondérante à la liberté du peuple et à sa souveraineté, plutôt de gauche sur les aspects économiques, elle peut se montrer facilement conservatrice sur les questions d’éducation (sa spécialité) par exemple.

Natacha Polony conserve une vraie indépendance de pensée, reste stoïque dans l’adversité et le débat. Elle expose son point de vue et explose ceux des autres avec le même ton professoral de celle qui a bien souvent raison. S’il est évident que son modèle de pensée a quelques années de retard, elle ne démord pas de ses convictions et refuse le corporatisme journalistique, ce qu’on a pu reprocher à Aymeric Caron, Léa Salamé ou Audrey Pulvar par exemple.

Elle a l’intelligence de s’alarmer sur des sujets graves et ne fait pas semblant de découvrir les informations que chacun savait, comme l’embauche d’un proche à l’assemblé nationale par exemple.

Pulvar, les limites du conflit d’intérêt

Audrey Pulvar ne l’a pas caché, elle soutient Benoît Hamon. Ainsi durant tout le débat elle a démonté les adversaires de Hamon au prorata de leur proximité avec le candidat du PS.

Du temps où elle officiait à On n’est pas couché, elle agissait quasiment de la même façon avec une complaisance pour le gouvernement de Manuel Valls où officiait son compagnon A. Montebourg, puis en s’acharnant contre ce même gouvernement quand celui-ci en est parti.

Si elle est capable de raisonner, ses idées l’aveuglent et ses prises de paroles tournent au prosélytisme. A peine dommage. Elle était plus à sa place avec Roselyne Bachelot et les reportages sur les sex-toys sur D8.

Léa Salamé, l’intervieweuse

C’est surement pas la meilleure polémiste de cette émission et d’ailleurs elle expose très rarement son point de vue.

A l’inverse d’Audrey Pulvar, les influences de Raphael Gluksmann – son compagnon –  ne l’empêche pas de faire son métier consciencieusement. Elle n’est pas là pour transformer les interviews en débats philosophiques, elle veut des réponses et les obtient.

C’est une journaliste suffisamment cultivée pour donner son avis sur les productions culturelles qui sont présentées sans être ridicule comme l’était Caron.
On ne sait pas grand chose de ses convictions, elle demeure assez neutre donc parfois fade.

Elle ne répond pas mieux aux questions, mais les pose mieux que les autres. Durant le débat elle a énuméré des faits qui servait le débat, et a même interrogé les autres chroniqueurs présents, on ne se refait pas.

Zemmour, l’obsessionnel du débat

Zemmour est comme à son habitude incapable de ne pas intervenir, quelque soit le sujet, toujours dans l’affrontement frontal. Ainsi après la premier léger désaccord avec Moix, il rétorque « C’est très simple tout est faux dans ce que tu as dis ». Il valide ou infirme toutes les idées avancées par ses confrères et son visage trahit volontiers sa pensée sur le discours qu’ils tiennent.

Il a la capacité de débattre de tout, mais plus son discours s’éternise plus la probabilité qu’il parle de l’immigration et du communautarisme tend vers 1. A l’instar du Point Godwin, On n’est pas couché a connu le point Zemmour.

Il est de loin le plus à même d’avoir un débat intelligent avec qui que ce soit mais son militantisme et ses convictions ont fini par lui créer un logiciel de pensée unique.

Tous sont bobos, de gauche, apparatchik, communautaristes et soumis à la bien-pensance, difficile d’entraver sa machine à penser. Zemmour était le meilleur des chroniqueurs, il y 10 ans.

Alors, Verdict ?

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