Après l’affaire du Médiator il y a 5 ans, c’est en 2015 que le « scandale Dépakine » éclate réellement en France, et pourtant, les effets négatifs de cet anti-convulsant sur les fœtus sont connus depuis bien longtemps déjà. Malformations, retards mentaux, autisme… 
Je fais moi-même partie des “enfants exposés” à la Dépakine – mais non touchée – car ma mère, épileptique depuis ses 15 ans,  fut traitée avec ce médicament pendant ses grossesses, entre 1995 et 2000. Ce sujet me tient donc particulièrement à cœur. D’autant plus que je devrais avoir un petit frère, que je n’ai jamais connu car il était atteint d’un Spina Bifida in utero. 
Retour sur le scandale.

Qu’est ce que la Dépakine ou valproate de sodium ?

En 1967, un médicament miracle apparait pour soigner les personnes épileptiques : la Dépakine.

Ce médicament est essentiellement utilisé dans le traitement de l’épilepsie (Dépakine) ainsi que des troubles bipolaires (sous le nom de Dépakote ou Dépamide).

Des effets secondaires connus depuis bien longtemps

Depuis de nombreuses années, son caractère dangereux pour les fœtus est connu. Et pourtant, la Dépakine continue malheureusement à être prescrite à des femmes enceintes.

  • En 1982, des études scientifiques montrent qu’il existe des cas de malformations congénitales.
  • En 2000, des troubles neuro-comportementaux sont observés sur les enfants Dépakine.
    • Le lien avec le valproate, ne fait plus aucun doute à partir de 2011 grâce à des preuves formelles.
  • Toujours dans les années 2000, premières observations de troubles du spectre de l’autisme.
    • Le lien avec le médicament est établi avec certitude courant 2013.
  • En 2006, l’anti-convulsant est pour la première fois déconseillé pour la femme enceinte.
  • Suivi en 2013, du renforcement des mises en garde concernant le danger pour les fœtus.
  • En 2014, les restrictions s’étendent à l’Union Européenne.
  • Et enfin en 2016, une obligation de signature d’un protocole d’accord de soins pour la patiente.

Ainsi, plusieurs symptômes existent pour pouvoir détecter le syndrome de l’enfant Dépakine.

Mais alors comment reconnaître tous les symptômes ?

Des troubles neurologiques/psychiques comme :

  • Des troubles cognitifs (42% des enfants exposés à la Dépakine ont un QI inférieur à 80),
  • Du langage, du comportement (autisme),
  • Psychomoteurs,
  • Visuels,
  • Et enfin des troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité.

Des malformations en tous genres que ce soit :

  • Sur le visage,
  • Au niveau des reins ou de l’appareil génital,
  • Des membres,
  • Des malformations cardiaques, au niveau des artères et des vaisseaux sanguins,
  • Et enfin le Spina Bifida : défaut de l’enveloppe de la moelle épinière, déformation des os et de la colonne vertébrale.

    Un des moyens de détecter si un enfant est victime du syndrome du bébé Dépakine est de lire sur son visage

30 fois plus de risque de Spina Bifida

Et sur ce dernier point, Elisabeth Robert a fait une étude en 1982, montrant que les fœtus exposés au valproate de sodium avaient 30 fois plus de chances d’avoir cette maladie, ce qui est énorme. C’est extrêmement rare pour un élément extérieur, ici le médicament, d’avoir un tel effet sur les fœtus.

Alors bien évidemment malgré tout cela, les femmes doivent continuer à se soigner, et elles n’avaient malheureusement pas d’autres moyens que par le biais de la Dépakine, ou du moins pas aussi efficace. Effectivement, connaissant les bienfaits du valproate sur les femmes épileptiques et même s’ils étaient bien évidemment au courant des risques, les neurologues continuent à le prescrire même quand celles-ci sont enceintes.

Une échographie morphologique est programmée pour les femmes enceintes sous Dépakine à 4 mois de grossesse, contre 5 mois en temps normal. Cette échographie sert donc à détecter un éventuel Spina Bifida. Si celui-ci est avéré, les médecins proposent automatiquement un avortement thérapeutique. En effet, seuls les malformations ou le Spina Bifida sont visibles lors de l’échographie.

À gauche, les défauts du spina bifida sur la colonne vertébrale – À droite, une colonne vertébrale normale.

Aucun autre médicament n’était prescrit pour prendre le relais de la Dépakine le temps de la grossesse, même encore parfois aujourd’hui, bien malheureusement.

Ce qui est d’autant plus étonnant, sachant qu’un protocole a été mis en place pour que la femme épileptique “promette” qu’elle ne tombera pas enceinte lors de son traitement sous Dépakine.

Une association d’aide aux victimes

Aujourd’hui, et ce depuis 2011, une association nommée l’APESAC (Association d’Aide aux Parents d’Enfants Souffrants du Syndrome de l’Anti-Convulsant) existe pour venir en aide aux familles touchées par le syndrome du valproate. Celle-ci est par ailleurs reconnue par le Ministère de la Santé.

 

Nombre de familles font confiance à l’APESAC

J’ai pu interviewer par téléphone la fondatrice et présidente de cette association : Marine Martin, lanceuse d’alerte concernant les dangers de la Dépakine.

Tout d’abord, je lui demande combien de familles sont aujourd’hui aidées par l’association. Marine Martin me fait savoir qu’effectivement, cela fluctue de jour en jour mais qu’actuellement, il y a 2 277 familles et 4 147 enfants Dépakine atteints par le syndrome, recensés au sein de l’APESAC.

Cependant, l’association déplore 137 décès ainsi que 697 avortements thérapeutiques.

Un groupe Facebook réunissant les victimes de la Dépakine existe, les femmes parlent souvent de leur quotidien, de l’avancée de leurs dossiers. J’ai demandé à faire partie de ce groupe, pour pouvoir comprendre également le scandale de l’intérieur.

Une maman a souhaité témoigner sur sa situation actuelle

“Ma deuxième fille (Méline à 19 ans bientôt et débute un cursus en communication également…). J’ai eu 4 enfants, 3 sous dépakine a des posologies différentes. Ma première fille (Laura) est décédée à 5 jours de vie (grossesse avec 2 g de dépakine par jour). Ma deuxième fille (Méline) et mon fils (Laélien) sont nés sous dépakine également (750 mg par jour durant ma grossesse). J’ai arrété tous les traitements il y a plus de 17 ans et j’ai eu une dernière fille qui a 5 ans tout juste (Lou-Rose) et qui est la seule de la fratterie née sans ce poison.” – Isabelle

1er juillet 2017 : une date butoir pour réunir tout les dossiers médicaux

Alors bien entendu, pour pouvoir écrire cet article, je me suis renseignée en lisant des dizaines d’articles et visualisant des reportages. Et une chose à retenu mon attention, une date, en fait : le 1er juillet 2017. Date à laquelle, m’indique Marine Martin, tous les dossiers médicaux des mamans et enfants touchés devront être complets pour pouvoir prétendre à l’indemnisation par l’Etat. Marisol Touraine s’est effectivement engagée à tenir ces délais.

En effet, L’Etat participe depuis mai à un fond d’indemnisation pour les victimes du valproate. La première fois qu’une telle action fut mise en place, c’était lors de l’affaire du Médiator.

L’APESAC a intenté une action de groupe grâce à l’aide de Maître Charles JOSEPH-OUDIN (déjà connu pour avoir défendu les droits des victimes du Médiator face au laboratoire Servier). Une première en France pour ce qui concerne la mise en cause d’un laboratoire. Ceci est possible seulement depuis le 27 septembre 2016.

Maître Charles JOSEPH-OUDIN vient aujourd’hui en aide à l’APESAC pour faire reconnaître la responsabilité de Sanofi dans “l’Affaire Dépakine”.

Ainsi, le 13 décembre 2016, l’association a porté plainte au nom de toutes les victimes contre le laboratoire Sanofi.

Le procès aura lieu devant 2 collèges d’experts : un pour estimer le montant du préjudice et un autre pour constater le handicap des enfants et le lien avec le médicament.

Il faut également savoir, qu’une centaine de procédures individuelles ont eu lieu depuis 2012, que ce soit au civil ou au pénal.

Un généticien reconnu pour son expertise

Le Docteur Hubert Journel, médecin généticien au sein du CHBA Hôpital Chubert de Vannes, en Bretagne, est l’un des premiers à avoir alerté sur les dangers de l’exposition du fœtus à la Dépakine.

Responsable scientifique de l’APESAC, il est sollicité par nombre de femmes épileptiques soignées par le fameux médicament afin de déterminer le lien entre les pathologies de leurs enfants et la prise du valproate pendant la grossesse.

À ce jour, le Docteur Journel a accumulé plus de 400 dossiers au travers de l’hexagone, et ce depuis 1984.

J’ai pu dialoguer avec le généticien par mail début avril pour recueillir des informations concernant un nouveau sujet qui entre malheureusement en compte. Et la génération future alors ?

“La réponse reste théorique”

Selon ses quelques diagnostics réalisés, certains des enfants des femmes exposées à la Dépakine « présentaient […] des troubles d’apprentissage ou du comportement ». Pour le moment, aucune malformation ni anomalie du morphotype n’ont été observées chez ces mêmes enfants.

Le Docteur Journel n’évoque donc aucun chiffre pour le moment.

Il rappelle néanmoins que les femmes « exposées » qui s’apprêtent à donner naissance, doivent être suivies pendant leur grossesse. Une fois nés, ces enfants doivent continuer à l’être et doivent faire l’objet d’une cohorte (un enregistrement).

Pour conclure sur cette problématique de génération future, il m’indique que celle-ci « reste à construire » et qu’il s’y emploie « loin des médias ».

Le besoin d’écrire un livre

Marine Martin, fondatrice de l’APESAC

Le 6 avril 2017, Marine Martin a sorti un livre racontant son combat quotidien : “Dépakine, le scandale”.

Cette maman courage s’est rendu compte de la toxicité de la Dépakine pour les fœtus lorsqu’elle fait le lien entre la maladie de sa fille et de son fils et le médicament qu’elle prend pour se soigner. Un de ses enfants étant atteint de troubles neurologiques et l’autre de trouble de motricité.

Depuis lors, Marine Martin explique qu’elle prend aujourd’hui un autre médicament pour soigner son épilepsie, ne supportant plus de voir le flacon de Dépakine.


La Dépakine, ce médicament si miraculeux pour les épileptiques, continuent malheureusement à faire des victimes.
Nous pouvons imaginer que les résultats des recherches du Docteur Hubert Journel seront sans nul doute partagés d’ici les prochaines années, quand les mamans exposées à la Dépakine auront elles-mêmes des enfants. L’affaire de la 3e génération reste donc à suivre.

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